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Conte-gouttes #6
Août 2023

Le temps d’un verre n’est pas celui de la vigne : la viticulture est un investissement sur l’avenir, le vin de 2050 se prépare dès à présent. A quoi ressemblera-t-il ? Quel sera son goût ? Son packaging ?
Entre nouvelles régions, blockchain et transformation … Une chose est sûre : le vin d’aujourd’hui ne ressemble pas à celui de demain ! Ce numéro spécial rentrée de Conte-Goutte s’intéresse au regard que porte le secteur du vin sur sa production et son évolution d’ici les 50 prochaines années.

24/08/2023
rédigé par Martin Lefebvre

temps de lecture 5 min

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Conte-gouttes #6 Août 2023

24/08/2023
rédigé par Martin Lefebvre

Le temps d’un verre n’est pas celui de la vigne : la viticulture est un investissement sur l’avenir, le vin de 2050 se prépare dès à présent. A quoi ressemblera-t-il ? Quel sera son goût ? Son packaging ?
Entre nouvelles régions, blockchain et transformation … Une chose est sûre : le vin d’aujourd’hui ne ressemble pas à celui de demain ! Ce numéro spécial rentrée de Conte-Goutte s’intéresse au regard que porte le secteur du vin sur sa production et son évolution d’ici les 50 prochaines années.

Conte-gouttes #6 | Août 2023

24/08/2023
rédigé par Martin Lefebvre

Le Vignoble de demain

Entre défis et innovations

18 août 2050, Évelyne Dhéliat présente, comme tous les jours, les prévisions météorologiques. De fortes chaleurs sont prévues sur tout l’hexagone : 40 à Bordeaux, 40 à Paris, 41 en Alsace … il n’y a guère que la Bretagne et la Normandie qui s’en tirent plutôt bien ! Cette météo est bien entendu fictive mais elle avait marqué les esprits lorsqu’elle avait été présentée en 2019.


L’initiative avait pour objectif de sensibiliser sur le réchauffement climatique et ses conséquences. Les vignerons en sont les premiers concernés. Le changement de température affectera inévitablement le vin.  Dans la région de production des graves, une expérience est mise en place depuis 2009. Nom de code : « Parcelle 52 ». Derrière ce qui ressemble à une succursale française de la zone 51, on teste 52 cépages du monde entier afin de savoir quel serait celui qui s’adapte le mieux au futur climat bordelais. C’est (peut-être) à Villenave-d’Ornon que l’avenir du vignoble se construit.

Les pratiques culturales tendront à s’adapter aux nouvelles normes climatiques qui s’imposeront progressivement jusqu’en 2050.
L’utilisation de différents cépages, nouveaux pour certaines régions, est une des pratiques envisagées par certains vignerons. Et le vignoble Français s’y connait en transformation ! La crise du phylloxéra -du nom du parasite destructeur de vignes- au XIXe siècle a complètement transformé le vignoble français jusqu’à sa racine. La crise a été tellement importante que la production du vin s’est effondrée de 85 millions d’hectolitres produits à 30 millions en seulement 5 ans suites aux 1,5 millions d’hectares arrachés sur les 2,5 millions existants. L’ensemble du vignoble a dû être greffé sur des racines américaines, résistantes à cet insecte. Des greffes de cépages locaux ont été faits afin de préserver l’identité viticole de chaque territoire.


Cette crise a permis le développement d’un vignoble aux pratiques plus modernes. Les vignes, qui étaient plantées de manière dispersée, se sont alignées permettant un meilleur travail de la terre. Cette période a posé les bases du vignoble que nous connaissons aujourd’hui. Comme quoi, tout est question d’adaptation !

Phylloxéra

La grande crise du vignoble français

Au cours du XIXe siècle, les vignes françaises ont connu successivement différents types de maladies : pyrale, oïdium, mildiou … Chacune avait son remède ! En 1863, un vigneron rentre de la guerre du Mexique et amène avec lui quelques pieds provenant des États-Unis. Il les plante chez lui, dans le sud de la France, sans savoir qu’ils portaient un puceron nommé phylloxéra. Sans le savoir, ce vigneron avait apporté avec lui la plus grande crise que le vignoble français a connu.

De nouvelles régions viticoles

là où on ne s'y attend pas

L’augmentation des températures permettra sûrement de faire éclore de nouveaux vignobles sur la carte du monde. Si on plante déjà des vignes dans le Nord, la Belgique, l’Angleterre ou encore la Suède pourrait suivre le mouvement ! Cette dernière affiche pourtant près de -10°C en pleine journée en décembre dans certaines de ses régions. Ce climat pourrait convenir à des vins blancs, rosés ou pétillants. Le vignoble de Blaxsta, figure de proue dans son pays, connaît des journées de 23 heures en été, ce qui lui confère 25% de lumière du jour de plus que le sud de l’Europe pendant l’été. En plus de son sol, annoncé comme « le plus minéralisé du monde », Blaxsta a une température idéale en été pour certains vins, oscillant entre 10°C et 20°C maximum.


Même si le pays a doublé sa superficie de vignes entre 2017 et 2020 le Södermanland -comté du sud-est de la Suède- ne deviendra pas (tout de suite) la capitale du vin. Le pays scandinave affiche 150 hectares contre 750 000 en France. Mais après tout, « vin » se traduit … « vin » en suédois.

Blockchain, NFT

Ce que peuvent apporter ces technologies.

Outre la digitalisation des étiquettes via QR code, qui aura lieu en fin d’année, le vin se numérise. Pas de panique : en 2050 le vin sera bel et bien tangible, les dégustations digitalisées et les bouteilles numériques restent l’apanage de la science-fiction …
Cependant, la blockchain et les NFT intéressent le milieu viticole. Définie comme « une technologie de stockage et de transmission d’informations », selon le ministère de l’économie, elle répond à de hautes exigences de transparence et de sécurité car l’ensemble des informations ne sont pas centralisées, comme elles le sont habituellement dans un serveur. Le NFT (non-fungible token) est un objet unique identifiable à travers cette blockchain. En somme un NFT est unique et la blockchain le garantit de manière transparente et sécurisée.


Et le vin dans tout ça ? D’abord, cela réduit drastiquement le risque de contrefaçon, car chaque vin serait associé à un NFT unique. Ces technologies permettraient aussi une traçabilité quasi parfaite du vin : du raisin jusqu’au verre. Dès la récolte des raisins, des données telles que le cépage, l'emplacement géographique, les méthodes de culture et les dates peuvent être consignées sur la blockchain. Pendant la vinification, des informations sur la fermentation, l'élevage et la mise en bouteille peuvent également être enregistrées. Ces données sont immuables, car la blockchain empêche toute manipulation ultérieure. De quoi avoir accès à de nombreuses informations supplémentaires, et ce de manière certifiée. 

Vin en 2050

Quel goût trouverez-vous dans votre verre ?

Les vins d’hier ne sont pas les mêmes que ceux d’aujourd’hui, c’est une certitude. Les goûts des consommateurs changent et tendent à mettre en avant (ou pas) certains vins. Paz Levinson, meilleure sommelière d’Argentine en 2010 et 2014 et aujourd’hui chef sommelière du groupe d’Anne-Sophie Pic, imagine un vin faiblement dosé en alcool, fruité et avec une forte acidité. Pour elle, le vin de 2050 aura comme mot d’ordre « la fraîcheur et l’équilibre ». Dans cette projection, elle imagine sur les tables des vins issus de cépages mélangés (rouge et blanc), des assemblages de parcelles et de millésimes. La sommelière prévoit plus de flexibilité dans le monde viticole, ce qui permettrait aux vignerons une plus grande marge de manœuvre face au changement climatique. Certaines régions pourraient redécouvrir certains cépages oubliés. La douce noire pourraient de nouveau peupler les vignes de Savoie, où on l’appelle corbeau. Une manière, selon elle, de conserver la typicité des territoires. Si, selon elle, le rosé sera plébiscité pour sa fraîcheur, le rouge restera le modèle et le vin des collectionneurs avec, comme figure de proue, la Bourgogne qui sera imitée dans le monde entier pour ses nombreuses qualités.


Ce regard sur l’avenir que nous propose la sommelière, nous confirme une chose. Le secteur prend à bras le corps les défis de demain. Le profil des vins tendra, vraisemblablement, à se modifier et si les goûts seront différents, il a fort à croire que le savoir faire restera à la hauteur des attentes du consommateurs. N’est-ce pas le propre du vin d’évoluer avec son temps ?

En conclusion ...

Entre digitalisation, adaptation et attentes clients … Le secteur du vin a de nombreux défis qui l’attend ! S’il change probablement sur certains de ses aspects, le vin restera, pour sûr, un incontournable. L’horizon 2050 paraît lointain mais ces différents changements de demain sont déjà les problématiques d’aujourd’hui pour les nombreux acteurs du secteur. Le vin, symbole de savoir-faire et de tradition sera probablement, aussi, symbole de changement.